Selon
Gandhi, « l’exemple n’est pas le meilleur moyen de convaincre, c’est le
seul. » C’est en adoptant cette citation comme credo que depuis
quelques années, j’essaie de faire du partage l’une de mes priorités.
Employer
le mot « partage » plutôt qu’un terme du champ lexical relevant du
don n’est pas anodin et m’apparaît plus approprié. En effet, nous pouvons tous
aider quelqu’un en donnant, soit de manière financière soit matériellement…
mais partager de son temps, notion après laquelle nous courons tous dans nos
sociétés de surconsommation, nécessite d’accepter de et de renoncer à :
d’accepter de se recentrer sur l’essentiel et de fait, de renoncer à ce qui
nous en éloigne.
Depuis
ma première expérience humanitaire au Cameroun, la notion de partage et notamment
avec les enfants des rues, m’habite et m’identifie. Je la développe, l’enrichis
et, grâce à ma profession de professeur, l’exacerbe auprès de mes élèves.
Levier pédagogique et éducatif, les projets nommés APSI (Action Pédagogique de
Solidarité Internationale) motivent ces derniers et s’avèrent être des supports
intéressants pour une sensibilisation à la citoyenneté mondiale. Depuis,
d’autres destinations s’ajoutent : Congo, Cap-Vert, Maroc et en avril
dernier, Malaisie et me comblent. Car vous ne revenez pas indemne de ce type de
« vacances ». Votre quotient émotionnel est mis à rude épreuve et
vous apprenez à relativiser, à vous satisfaire de ce que vous possédez et à
minimiser vos besoins autres que primaires. Mais quel pur bonheur que de
s’alléger l’esprit et le corps !
C’est
dans cette optique que ma rencontre avec Coup de pouce a ouvert un chemin sur
lequel je compte effectuer quelques pas. Les premiers m’ont permis de faire
connaissance avec Magali avec qui la relation avait été établie des mois au
préalable. Une belle rencontre, de celle qui vous encourage à poursuivre votre
action et perdure. Je la remercie encore pour sa confiance, sa disponibilité,
physique et matérielle (la preuve en photos !).
Nouvelle décoration pour le salon !
Pourquoi
l’espace des voitures n’est-il jamais suffisant ?!
Les dons
(vêtements, fournitures scolaires principalement) ont donc été acheminés de
Doha à Kuala Lumpur et remis en mains propres. J’ai ainsi pu rencontrer des
enfants et des femmes réfugiés et échanger quelques sourires car au-delà de la
barrière de la langue, il est un langage universel que celui du sourire. Et
quoi de plus beau que d’offrir un sourire et d’en recevoir mille en
retour ?
Premier contact,
premières émotions lorsque nous nous rendons au sein d’une école de la CWO
(Chin Women Organization). Cette organisation non gouvernementale est
constituée de femmes et d’enfants réfugiés de Birmanie, de la communauté Chin
(du nom de l’Etat de la subdivision administrative du pays). Victimes de nombreuses
exactions voire d’expulsions, les Chin sont des réfugiés dans leur propre pays.
Quand ils le peuvent et au prix d’énormes sacrifices, ils le fuient. La CWO
possède des locaux pour accueillir une 60ne d’enfants et pour assurer la
fabrication d’objets à partir de batik dont la vente permet de venir en aide
aux plus démunis. Arrivée à l’heure du déjeuner, nous apprenons que les repas
sont quotidiennement et gracieusement assurés par l’hôtel situé à proximité. Néanmoins,
les besoins demeurent immenses : vêtements, médicaments, mobilier et
fournitures scolaires… afin que tous ces enfants puissent s’épanouir. De fait,
acheter l’une de leur réalisation artisanale contribue à améliorer leurs
conditions de vie.

Déjeuner au sein de la SCS (Schelter Community School)
assuré par un hôtel. Et atelier de réalisation des différents articles
fabriqués à partir de batik.
Notre
deuxième intervention s’effectue auprès de SSC (Sahabat Support Centre) qui
dépend de la MSRI (Malaysian Social Research Institute). Cette ONG travaille
avec les refugiés et les demandeurs d’asile des communautés originaires du
Moyen-Orient, de l’Asie centrale et d’Afrique. Son champ d’implication concerne
principalement l’éducation, la santé, la subsistance et l’aide d’urgence aux
familles. C’est dans le cadre éducatif que SSC intervient, auprès d’enfant âgés
entre 4 et 18 ans dans le but de leur transmettre des savoirs élémentaires et
indispensables à leur épanouissement. Pour faciliter leur intégration au sein
des pays d’accueil, les cours (Mathématiques, Histoire, Sciences, Géographie,
Sports) sont dispensés en anglais. Il est important de rappeler que le statut
des réfugiés et des demandeurs d’asile n’est pas reconnu en Malaisie et que ces
enfants ne peuvent donc pas intégrer les écoles publiques malaises. D’autre
part, du fait de leur manque de ressources, les écoles privées leur sont
inaccessibles. Par conséquent, SSC est une bouée de secours qui accueille 250
enfants environ. Les locaux, nouvellement acquis, sont modestes mais propres. Des
bénévoles et des professeurs se relaient. En revanche, les besoins matériels
sont énormes : les fournitures scolaires manquent cruellement (cahiers,
stylos, crayons, règles…). La directrice me consacre quelques minutes et
l’échange aboutit sur un engagement personnel à enseigner l’anglais et à
consacrer du temps aux enfants durant le mois de juillet.

Salle de classe de SSC.
Notre
dernière visite me conduit à rencontrer les femmes de Mang Tha qui signifie
« sweet dream » soit « beaux rêves », programme lancé pour
venir en aide aux femmes réfugiées de la communauté Chin et soutenu par TAMNA FEDERATION. Je
découvre des locaux simples et propres mais surtout des ateliers de fabrication
car le travail artisanal est l’une des principales clés de leur survie. Les 6
valises de vêtements, échangées contre des plastiques plus faciles à
transporter, leur sont destinées. Quelle joie de voir leur visage s’illuminer
en découvrant leur contenu ! Ensuite, passage obligé par le showroom de
leurs créations à partir de batik ou de produits naturels. Un achat s’impose
d’autant plus qu’il leur permet de subvenir à leurs besoins. Commande passée
pour un modèle personnalisé, je repartirai au Qatar avec mon « Louis
Vuitton made by Mang Tha » ! J’en profite également pour rencontrer
le directeur de l’école d’ACR (Alliance of Chin Refugees) pour clarifier les
besoins pédagogiques en vue de ma prochaine venue.

Accessoires divers et variés fabriqués à partir de
batik.
Et créations
de produits de beauté également.
Comme vous avez
pu le constater, mon propos n’est pas de tomber dans le misérabilisme car il
est indéniable que ces enfants et ces femmes parvenus jusqu’en Malaisie ont
connu et connaissent encore des difficultés, nul ne les ignore ; mais bel
et bien de positiver quant à leur avenir car l’espoir est de rigueur. Ne pas y
croire, ne pas croire en eux et en leur potentiel revient à les condamner et à
ne pas leur accorder d’avenir. Or, grâce aux structures scolaires, un présent
et un avenir meilleurs leur permettent de conjurer le passé. La résilience est
une capacité humaine qui ne saurait être négligée et la beauté cachée de chaque
parcours doit être valorisée.
Donc, certes, à
court terme les besoins matériels sont à honorer mais c’est sur le long terme
que les actions doivent s’inscrire, se multiplier et être encouragées :
apprendre à ces femmes et à ces enfants que rien n’est figé, qu’ils peuvent et
doivent développer leurs compétences, leur redonner confiance. Un nouveau
départ doit leur être accordé car le bonheur ne vaut d’être vécu que si et
seulement s’il est partagé.
Emilie Bousquet
« Le bonheur est souvent la
seule chose qu’on puisse donner sans l’avoir et c’est en le donnant qu’on
l’acquiert ». Voltaire
TERIMA
KASIH